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Cet ouvrage porte sur l'identité culturelle des trois principales composantes tribales de la Lékié, ici appelées E-M-B (Etón-Manguissa-Batsenga). En fait, il s'agit de trois composantes principales, parce qu'il y en a une minoritaire, les Tsinga, qu'il ne faut précisément pas confondre avec les Batsenga, leurs voisins : ils sont tout aussi distincts dans le Mbam-et-Kim, d'où ils sont originaires comme la plupart des "Lékiésiens" précoloniaux.
Ce travail, animé de bout en bout par l'esprit critique, n'a pas vocation à se satisfaire de "la raison paresseuse" (Kant), qui rattacherait les tribus à la descendance d'un ancêtre éponyme, par exemple Etóno ou Itóno, ou encore Itóno-Bëti, pour la tribu de ce nom. La légende du Serpent, le pont mystérieux opportunément apparu devant les Bëti talonnés par des ennemis victorieux, grâce auquel les fuyards auraient traversé le Fleuve (Dzom), la Sanaga, est l'objet d'une interprétation rationnelle empruntant à la psychanalyse : c'était "le rêve ancestral de la modernité".
Les autres composantes, Etón et Manguissa, se sont formées après la Traversée ; l'explication emprunte à l'idée épicurienne du "clinamen" - le hasard : il y a eu agrégation de nouvelles entités à partir d'une émigration-explosion, Móli ou Móle, qui a eu lieu sur la rive droite de la Sanaga. Le livre tire donc toutes les conséquences possibles d'une idée suggérée par ces images d'explosion et d'agrégation, une idée dont la formule est empruntée à Descartes et à Sartre : il n'y a pas d'essence E-M-B ; on ne naît pas Bëti ou Bamiléké, on le devient.
De là les réflexions sur le multiculturalisme.