La privatisation du droit de la famille, et en particulier de la relation matrimoniale, est devenue une réalité et, depuis peu, le mouvement s'accélère à un rythme qui n'était pas prévisible. Est-ce à dire que l'ordre public est évincé de la relation matrimoniale ? La thèse répond franchement par la négative. La démonstration ne s'appuie pas sur le concept, quelque peu énigmatique, mais choisit une approche fonctionnelle de l'ordre public. Cette mise en perspective autorise le constat de la présence au sein de la relation matrimoniale d'un ordre public renouvelé. Éviction de la contrainte étatique et valorisation de la personne constituent la grille d'analyse de ce renouvellement. La protection de chacun des membres du couple marié se révèle être désormais la fonction privilégiée de l'ordre public matrimonial érigé en gardien de l'égalité conjugale, impératif interne et international. L'étude du droit comparé contribue à le démontrer. Le mariage, même s'il est concurrencé par d'autres modes de vie à deux, même si la contractualisation y est accueillie, reste le cadre de protection des droits de la personne mariée. C'est, qu'outre l'union des personnes, il crée une union patrimoniale dont chacun des époux peut se prévaloir. L'engagement matrimonial, témoin de la résistance à l'indifférenciation avec d'autres formes de couples, assure la cohésion du groupe. La liberté individuelle, l'entrée des volontés privées dans le droit des personnes, la percée des droits fondamentaux, sont autant d'indicateurs de l'inadaptation des sanctions radicales de l'ordre public classique. Le respect des valeurs défendues par l'ordre public renouvelé dans le mariage passe par l'affirmation d'un ordre public judiciaire. Chargé de réguler les relations entre époux, le juge dispose d'un large éventail de modes d'action qui privilégie le préventif et sacrifie le directif. Cette défense du mariage, qui doit garder la préférence du législateur parce qu'il est un lieu d'épanouissement de l'individu, n'occulte pas les tentatives, venues de toutes parts, de désacralisation qui le menacent. A l'heure de la déjudiciarisation du changement de régime matrimonial, d'un avenir qui annonce la possibilité d'un divorce sans juge, et, peut-être, un mariage entre personnes du même sexe, seule une pensée originale, qui ne s'embarrasse pas des idées reçues, pouvait valoriser ce " pilier " de notre organisation sociale