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Un homme court, seul. Deux chasseurs qui campent par là le voient passer. Surpris de cette intrusion, "comme enivrés par l'âcre odeur de la forêt" , ils décident de le rattraper. L'homme repart, les deux chasseurs sur ses talons. S'ensuit une battue farouche, où l'incompréhension se mue en haine. Intrigue dépouillée à l'extrême mais d'une infinie complexité secrète, La Bouche pleine de terre est une oeuvre inclassable qui oscille entre fantastique, absurde et réalisme ; entre allégorie, roman ou conte.
Comme dans le texte qui l'accompagne, La Mort de M. Goluza, autre histoire d'un intrus qui bouleverse le monde dans lequel il surgit, Branimir Scepanovic fait admirer son style saisissant et son imagination débridée. Deux textes inoubliables, tendus par une angoisse croissante, qui contemplent l'existence humaine d'un oeil mi-amusé, mi-résigné.
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La bouche pleine de terre.
Ses jours étant comptés suite à une maladie, notre héros quitte Belgrade par le train pour aller se foutre en l'air dans son pays natal. Descendant du train et commençant à marcher au hasard, se sentant seul et abandonné par le monde comme le dernier Werther's original du paquet le lendemain de la fête de famille, le voilà prêt à chercher la corde à laquelle se pendre au plus bel arbre de la montagne. La vie étant une vaste blague faite de bruits de fureur et de malentendus infinis, voilà que notre type va croiser la route de deux couillons de randonneurs avec des chapeaux bizarres, lui qui voulait juste la paix finale et le silence des grands départs. Le face à face est silencieux, l'incompréhension règne et Werther fait demi-tour, préférant tracer sa route céleste. Sauf que ça ne convient pas aux deux zozos. Quand on croise quelque visage humain en plein désert, la loi tacite veut que des saluts soient échangés. Les voilà donc en train de le courser pour lui demander ce qui se trame derrière cette attitude bizarre. Fatalitas ! À ces deux nazes vont s'adjoindre tout au long de ce court roman aussi drôle et beau que triste et kafkaïen, deux autres types en train de chasser puis progressivement une ribambelle de pauvres cloches acharnées et bien décidées à faire sa fête au fuyard. Voilà qu'on ne peut même plus crever en paix...
Je vous laisse le plaisir de découvrir la fin de ce texte formidable que je relis assez régulièrement. L'absurde et la tragédie s'y côtoient dans une réflexion sur la culpabilité, le mal et la valeur de la vie dont vous me direz des nouvelles. Bon, c'est pas tout ça mais j'ai un train à prendre...