C'est en 1799, à l'extrême fin d'un XVIIIe siècle fertile en bouleversements philosophiques et littéraires, que parait La Guerre des Dieux anciens et modernes d'Evariste de Parny (1753-1814). L'auteur, déjà connu comme le chantre élégiaque de la jeune Eléonore dans ses Poésies érotiques (1778 et 1784) et le poète de la couleur locale par ses Chansons madécasses (1787), entre cette fois dans une veine moins " angélique ". Héritier des philosophes, en particulier de Voltaire qui l'avait embrassé en l'appelant " mon cher Tibulle " en 1778, Parny s'inscrit désormais dans le courant littéraire antichrétien et prononce, sous les couleurs d'une fable théomachique où les divinités païennes entrent en rivalité de pouvoir contre les figures centrales du christianisme, une satire implacable du monde clérical (la débauche des moniales, l'hypocrite paillardise des religieux, la simonie des papes) et une critique acerbe de quelques dogmes, en particulier les doctrines de La Trinité et de la virginité de Marie. Le comique suscité par la confrontation entre le faux ascétisme des croyants et la propension au plaisir authentique des païens, la rupture de style entre la franche liberté de parole des dieux de l'Olympe et les entortillements dialectiques des déités chrétiennes, les mises en cause, souvent étayées de manière savante, de quelques-uns des fondements les moins assurés de la religion du Christ valent au poète de sévères reproches de blasphème. Si son ouvrage a connu un très vif succès jusqu'à l'aube de l'Empire et a, de l'aveu même de Chateaubriand, exercé un rôle déterminant dans la genèse du Génie du Christianisme, il a ensuite subi, jusqu'à nos jours, des condamnations aussi virulentes qu'aveugles dans les milieux conservateurs. Ses censeurs impitoyables en ont surtout retenu le ton de dérision, les accents de sacrilège et les moqueries ingénues envers le catholicisme, en négligeant les principes philosophiques et les conceptions morales défendues par Parny dans La Guerre des Dieu, valeurs que le poète avait découvertes et entretenues au cours du long engagement maçonnique de son existence. Souvent rééditée au cours du XIXe siècle, dans des conditions qui n'ont pas toujours assuré une fidèle transmission du texte, La Guerre des Dieux fait ici l'objet de sa première édition critique, conforme aux exigences de la philologie contemporaine.