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Avec la résolution et la lucidité dont on peut faire preuve à cet âge, j'ai renoncé à six ans et demi à la carrière qu'on espérait me voir embrasser. Je n'ai jamais regretté la vie d'esclavage qu'il m'aurait fallu mener pour parvenir à occuper, sans certitude, l'un des centiares laissés vacants par Hines, Tatum, Garner, Powell, Monk, Peterson et tous les autres. A force de repasser leurs disques, j'ai fini par croire que c'était moi qui jouais.
C'est comme dans ces rêves où l'on s'exprime à la perfection dans une langue qu'on n'a pas apprise, et où personne ne vous fait une remarque désobligeante sur un accord de participe ou un accent. De la sorte, j'ai fini par comprendre que ces noms - Waller, Ellington, Wilson, Tristano - ne sont que des étiquettes ; qu'il n'y a en réalité qu'un seul pianiste, c'est-à-dire moi, qui suis le jazz. J. R.