Le chant liturgique me rassure et m'inquiète - Chroniques et libres-propos (1986-2004)

Il aurait été très facile d'écrire un pamphlet sur le chant actuel à l'église. Trop facile. Le prix à payer est d'en prendre à son aise avec la vérité. C'est un peu cher pour un observateur honnête. On n'a peut-être jamais aussi bien chanté qu'aujourd'hui dans les églises. Il aurait été aussi facile de prononcer un plaidoyer pour la réforme liturgique issue de Vatican II. Trop facile. On invoque les grands principes, devenus langue de bois. Mais on oublie de signaler l'écart entre les réalisations et les principes. On n'a sans doute jamais aussi mal chanté qu'aujourd'hui dans les églises. Il est beaucoup moins facile, entre ces deux extrêmes que sont le réquisitoire et le plaidoyer, de tenir une position médiane. L'excès paie toujours mieux que la nuance. La seule chance du modéré, dans un contexte polémique, c'est de surenchérir sur les extrêmes. Mais avec le seul ton qui convienne à cette opération : l'humour. C'est ce ton-là que j'ai adopté dans les libres-propos publiés depuis 1986 par la revue Choristes, aujourd'hui Voix nouvelles, et dans les interventions que j'ai faites au cours de Congrès nationaux ou régionaux de l'Ancoli (Association nationale des chorales liturgiques) : les aventures de Monsieur Talerdain, chef de chœur, y ont acquis une certaine notoriété. L'humour ébranle les déclarations trop péremptoires, quelles qu'elles soient, et d'où qu'elles viennent. Il rend perplexe, mais d'une perplexité active, heureuse plutôt que malheureuse de découvrir la complexité des choses, y compris celles dont on a le plus l'habitude. Les chefs de chœurs, organistes, animateurs, choristes retrouveront, je crois, dans ces pages, écrites par quelqu'un qui les connaît un peu et qui les aime bien, un écho de leur expérience, un écho parfois grinçant mais toujours dévoué. Cependant le livre ne concerne pas seulement les gens de la " boutique ". Le chant d'église, le chant à l'église, intéresse aussi celles et ceux qui ne mettent pas - ou qui ne mettent plus - les pieds à l'église. Pourquoi ? Parce que les péripéties de son histoire et de son actualité illustrent bien une question de culture qui se pose à tous aujourd'hui. Que les choses humaines soient jugées à l'aune de leur utilité, cela se conçoit. Mais qu'on les veuille " belles " par dessus le marché : à quoi ça rime ? Mais attention, braves gens, est-il judicieux de dire : " par dessus le marché " ? Et si c'était ça le marché ? D. H.