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En 1981, Jean Mascolo et Jérôme Beaujour suivent Marguerite Duras sur le tournage d'Agatha à Trouville. Tournage dans le tournage, en présence de la chef-op de Duras, Dominique Lerigoleur, et des acteurs qui jouent le frère et la sœur, Yann Andréa et Bulle Ogier. Dans son introduction, Joëlle Pagès-Pindon montre que l'on assiste là à un moment de grâce, " d'envoûtement ", à une mise en scène du travail de Duras où la réalité et le mythe s'entremêlent, et à la toute-puissance de l'écrit à travers le texte, l'image et la voix.
Il est vrai que Duras est impressionnante d'assurance et de joie. Avec malice, consciente de son personnage, elle tient des propos qui pourraient surprendre sur l'homosexualité, la Révolution française, Mai 68, l'interdit... Duras parle du projet Agatha, l'histoire d'un inceste pendant des vacances d'été, en pensant à sa relation avec son frère adoré, tué à 28 ans pendant la guerre. Elle débat avec Yann Andréa : " Je montre ce qui n'est pas montrable ", " c'est une époque très pauvre " car " tout tend maintenant à interdire l'interdiction ".
Elle parle avec une grande liberté du désir, " un échange impossible entre deux sexes différents ", et de l'homosexualité, " une relation masturbatoire ", " misérable ". À propos de l'idée de bonheur étendue à la société, alors que c'est individuel, " la Révolution française n'a fait que du tort à l'humanité. ", le marxisme-léninisme est une " connerie monumentale "... Dans une deuxième partie figure le " brouillon du livre-dit " : ce court texte inédit illustre une technique de Duras qui consiste à réécrire un entretien.
On retrouve donc ici certaines phrases et certains thèmes réexprimés : " Libéraliser c'est punir la liberté ", ou : " On n'a jamais autant fait l'amour et jamais le désir n'a été aussi rare ". Ces entretiens, qui paraissent à l'occasion du centenaire de la naissance de Marguerite Duras sont inédits dans leur version intégrale : une partie seulement a été utilisée dans le documentaire Duras filme, de Jean Mascolo et Jérôme Beaujour (1981).
Ils montrent la parole libre d'un écrivain au sommet de sa force créatrice.