" Napoléon... sema partout où il passait cette idée qu'un peuple a le droit de n'obéir qu'à des règles convenues d'un commun accord, et de n'être plus soumis à l'arbitraire d'un chef de droit divin. Grâce à lui, le vieux monde croula. Il est d'autant plus singulier qu'il ait voulu ressembler aux monarques couronnés, oints du Seigneur, dont il allait balayer les trônes, et qu'il ait pu s'imaginer que seul le sien, si neuf, serait solide. Le Sacre de Napoléon, s'il marque une époque, fut une grande illusion et un échec. Quand l'Empereur s'attarda en Russie et qu'un général en rupture de prison répandit le bruit qu'il était mort, l'idée ne vint à personne que son pouvoir était héréditaire, et les droits de sa dynastie consacrés par Dieu même. En 1814, lorsqu'il abdiqua, ses serviteurs les plus fidèles se rallièrent presque tous, et sans scrupules, aux Bourbons. La cérémonie de Notre-Dame n'avait donc trompé personne et l'Empereur qui avait tant pourchassé l'utopie s'était révélé, ce jour-là, un de ces songe-creux qu'il ne pouvait souffrir. C'est qu'on ne crée pas de toutes pièces une tradition, on ne fabrique pas à volonté le respect. " Une génération nouvelle, rappellera plus tard Lavallette, s'était élevée, pleine d'énergie, nourrie de fortes études, exempte de mômeries de la superstition... L'Empereur n'avait jamais été un monarque, ou du moins les peuples n'avaient jamais senti pour lui cette espèce de superstition qui avait environné Louis XIV et Louis XV. " Chateaubriand, qui était un tout autre homme que Lavallette, a écrit à ce sujet, plus justement : " Hors de la religion, de la justice et de la liberté, il n'y a point de droits ".