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Sur le seuil, je me tiens debout et observe le mur enduit de chaux blanche. Ma grand-mère sort de son sommeil, auréolée de cette crainte que je perçois dans les yeux des autres, et je m'approche d'elle. Aïcha s'indigne et tente de me retenir par la main, disant " Eloigne-toi, ma grand-mère veut prendre son petit déjeuner ", en lui faisant signe de me laisser et en me lançant des clins d'oeil pour que je m'éloigne, mais je ne bouge pas.
J'aime la couleur de ses vêtements et l'odeur de ses mains alors qu'elle me tient les cheveux, et ses yeux alors qu'ils signifiaient à mon père de quitter ses mauvaises habitudes et de mûrir pour devenir un homme remarquable comme mon grand-père ou du moins comme mes oncles paternels qui étaient partis. Mon père s'assied sur le pas de la porte et regarde dans le vide. Ma grand-mère ne parle que très peu.
Elle ne sort de sa chambre que pour gagner le sanctuaire de Annab, dont tout le monde pense que c'est le père ancestral qui s'est fixé sur cette terre et a conféré à sa descendance la légitimité de l'existence. Ma grand-mère conte l'histoire à ceux qui l'entourent. J'aime la lumière qui émane de ses mains et j'écoute les fables qu'on rapporte à son propos et je m'en délecte. J'étais ce mâle qui se flattait de sa masculinité, porteur de ce grand héritage qui commençait à me garrotter alors que j'oubliais l'odeur des prairies qui s'exhalait de mes pores.