Pierre Sacreste est l'un de ces instituteurs de la IIIe République qui, à côté de l'enseignement donné le jour aux enfants, consacre ses soirées à l'éducation des adultes ceux qui, dès 13 ans, après le certificat d'étude, sont entrés dans la vie active. André Burgos a retrouvé le carnet de préparation des vingt-sept cours que celui-ci a donnés au village de Freix-Anglars (Cantal), lors de l'hiver 1898-1899. Précieux témoignage, qu'il présente et dont il analyse le contenu qu'il nous livre intégralement, en le replaçant dans le vaste mouvement d'éducation populaire naissant. Il s'agit, en effet, d'entretenir les connaissances acquises à l'école primaire et de les compléter par des notions pratiques, mais aussi de former l'homme et le citoyen, de l'intéresser aux valeurs morales et républicaines, de l'ouvrir enfin à la curiosité et à la culture. Ces cours du soir, appelés simplement " séances ", s'ouvrent par une leçon, touchant au monde rural, à l'hygiène, à l'histoire, au civisme.... Ils se poursuivent par des exercices d'application (dictée, lecture, écriture, rédaction, problème) se rapportant à la " causerie du jour " - ainsi que l'instituteur nomme la leçon, bannissant, on le voit, le vocabulaire scolaire, pour " ménager les susceptibilités des grands garçons ", comme il l'évoque dans l'exposé de sa méthode. Ils se terminent par une lecture " tirée de nos meilleurs auteurs, faite par le maître pour attirer les élèves au cours ou pour les récréer utilement à la fin de la séance ". Ce document, dont aucun équivalent n'a, à ce jour, été publié, est un exemple unique de l'approche pédagogique des grands adolescents et des jeunes adultes par les hussards de la République. Il nous invite à la réflexion et ouvre peut-être une piste, à l'heure où l'illettrisme est de retour en France et où l'analphabétisme progresse dans de nombreux pays.