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Le roman qui s'est écrit au Québec a souvent détenu un statut problématique aux yeux de la critique, comme si, pour être pleinement romanesque, il lui manquait sans cesse une composante jugée essentielle du genre, que ce soit la maturité, l'amour ou encore l'aventure. Malgré leur diversité apparente, plusieurs des critiques adressées au roman québécois auraient en commun d'avancer qu'au contraire de ce que l'on observe dans le roman européen, la transformation en serait absente.
Or, se pourrait-il que la transformation du personnage, qui est souvent annoncée, mais que les oeuvres évitent le plus souvent, soit liée à autre chose qu'à l'ascension sociale propre au réalisme français, à partir duquel on a beaucoup lu le roman écrit au Québec ? L'hypothèse principale de ce livre est que si les personnages de certains romans ne se transforment pas entre le début et la fin des oeuvres, c'est parce que leur transformation n'est pas présentée comme un idéal à atteindre, mais qu'elle incarnerait plutôt une étape dans le processus de dépossession qui est le leur et que, dès lors, l'enjeu des oeuvres serait justement de raconter leur résistance.
Cet ouvrage propose donc de relire par le biais de la dépossession la façon dont certains romans modernes québécois expriment leur négativité. L'analyse proposée, qui s'appuie principalement sur les oeuvres d'Anne Hébert, de Gabrielle Roy et de Réjean Ducharme, permet de constater que la dépossession revêt également une dimension formelle : elle se rejoue constamment entre l'oeuvre et ses personnages, lesquels semblent en lutte contre les romans, qui inscrivent ainsi cette négativité au coeur même de leur poétique pour en faire une dépossession romanesque.