Les grands projets de nos petits

Antoine de La Garanderie éprouvait une émotion à la vue d'un enfant en train d'agir ou de faire : lancer des objets, tirer dans un ballon, s'exercer à la balançoire, se jeter dans les bras d'un proche, jouer avec une poupée, chanter à tue-tête, ranger des cubes, lire à haute voix ; son émotion n'était pas feinte, il observait cette attention particulière que met chaque enfant à réaliser une tâche, comme s'il était pris par une exigence, dont on ne connaît pas l'origine, d'être en accord avec son environnement ou avec lui-même.
Notre auteur avait des qualités d'observateur : en effet, il était à l'affût du moindre indice qui pouvait l'ouvrir à l'intelligibilité de cet enfant en mouvement de sens. Ce livre propose une lecture généalogique de l'intelligence depuis la première année de l'enfant jusqu'à sa sixième année. On pourrait estimer qu'Antoine de La Garanderie se livre à une sorte de construction a priori de l'intelligence, par étape régulière.
Ainsi si l'enfant est d'abord senti — le monde le touche et l'affecte, il n'en reste pas moins vrai que très tôt l'enfant manifeste des préférences sensorielles. Antoine de La Garanderie met bien en évidence que toute activité de penser, y compris la plus conceptuelle, s'enracine dans cette vie sensitive. Cet ouvrage sur l'éveil au sens constitue une étape décisive dans le cheminement intellectuel de notre auteur : il préfigure ces derniers écrits sur l'éveil au sens, sur la découverte de soi dans son rapport à la connaissance comme source de joie d'être.
Mais il est aussi un texte à lire et à relire pour tous les hommes de science qui interrogent les phénomènes de la connaissance, car il montre la voie nécessaire et exigeante d'une lecture généalogique du sens. Extrait de la préface