Jusqu'en 1730, quelques rares Corses avaient fait parler d'eux mais personne ne parlait de la Corse: il n'en existait presque aucune description, ni aucune carte ! Or, en 1730, à partir de ce qui a pu sembler une simple jacquerie, commence dans cette île une révolution qui va durer 40 ans et passionner l'Europe des Cours et des Lumières. Désormais, de Pascal Paoli à Napoléon Bonaparte, le monde entier ne pourra plus ignorer la Corse ! L'hypothèse que retient habituellement l'historiographie est celle d'une jacquerie, spontanée, qui se serait transformée au fil des années en révolution, orientée et dirigée vers l'émancipation intégrale des Corses vis-à-vis de la république de Gênes. Le présent travail remet en cause cette interprétation traditionnelle. Il s'appuie sur de nombreux textes - donnés ici dans leur transcription originale et dans leur traduction - produits au cours de cette période : lettres entre insurgés, doléances exposées aux Génois, rapports des gouverneurs génois aux autorités centrales, des généraux autrichiens à leur monarque, etc. L'ensemble de ces documents met en évidence le rôle d'un groupe d'hommes, qui sont à proprement parler les " pères fondateurs de la Nation corse " - composé des chefs d'un clan originaire d'un périmètre géographique restreint et de religieux -, dont les noms sont restés vivaces dans la mémoire insulaire : Luigi Giafferi, Andrea Ceccaldi, Giacinto Paoli, Erasmo Orticoni, Giulio Matteo Natali, Gregorio Salvini, etc. La cohérence, la rapidité et la quasi unanimité avec lesquelles ils agirent montrent que la révolte populaire ne fut pas aussi spontanée qu'il est commun de le dire. Très habiles stratèges, organisés entre eux, conscients de leurs forces et de leurs faiblesses, ils furent d'excellents manoeuvriers qui réussirent à s'attirer la sympathie des cours européennes et, de fait, furent souvent écoutés et respectés par les grands de ce monde. Les Génois ne purent contenir cette première insurrection que par l'intervention militaire de l'empereur d'Autriche, qui entraîna l'emprisonnement des chefs corses. Mais quelques mois plus tard, en 1733, dès leur libération, ils reprirent le combat au nom des mêmes valeurs et des mêmes principes, profondément révolutionnaires dans une Europe absolutiste qui s'ouvrait avec peine aux idées des Lumières. Ces derniers constituent les fondements théoriques, théologiques et politiques à partir desquels les revendications corses des décennies suivantes se concrétiseront. Au-delà, les pères fondateurs de la Nation Corse sont les précurseurs des débats qui ébranleront le reste du monde, notamment celui du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes !