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Les Temps Filiaux, c'est "ici" et c'est "demain". Surveillance accrue, cynisme déployé... Nous découvrons ce monde étrange au travers des yeux de la narratrice qui est venue mener une enquête officielle pour le compte du gouvernement de "là-bas". Bientôt, elle doute des vraies raisons de sa mission. La rumeur parle de disparitions d'enfants inexpliquées. Adoptions sauvages ? Trafic ? D'un trait tout de puissance sensible, Marie Cosnay emmêle et démêle l'écheveau d'une réalité trompeuse, où la tendresse et l'amour n'ont jamais beaucoup de temps pour éclore et semblent toujours fuir la menace d'une ombre qui viendrait du coeur même des hommes.
Un roman qui, de main de maître, allie le trouble et la beauté. Il est chez Marie Cosnay une écriture dense et singulière, parfois violente dans sa précision du verbe. A escient, elle déconstruit les tournures habituelles de la langue, recompose les articulations des phrases, joue des inversions, afin de forcer le lecteur à la "dés-habitude" , et de le placer d'emblée dans une langue, non pas compliquée ou savante, mais complexe et neuve.
Dans ce roman, Marie Cosnay crée un univers étouffant, inassignable, dont l'oppression et l'absurdité ne sont pas sans faire songer aux lieux kafkaïens. Aux limites de l'anticipation, elle nous offre les yeux de la narratrice pour voir le monde d'ici, une narratrice qui a oublié ce que les couleurs sont, ce que la mort est, ce que les sentiments changent de la vision du monde. Pourtant, dans cet univers blanc comme un bloc chirurgical, elle rappelle avec une sorte de sauvagerie ce qu'est le corps, la chair.
Une histoire de trafic d'organes, une enquête trouble où les chasseurs sont les chassés, où les règles de communication entre les êtres sont déplacées, où tout est en même temps blanchi, désarticulé, et vibrant.