Ceux qui naviguent la font les plus grands conteurs. Peut-être parce que, d'abord, c'est à eux-mêmes qu'ils racontent, les soirs de garde-cap, leurs...
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Ceux qui naviguent la font les plus grands conteurs. Peut-être parce que, d'abord, c'est à eux-mêmes qu'ils racontent, les soirs de garde-cap, leurs histoires inventées, glanées, crochées, halées, sur toutes les mers et toutes les côtes où ils ne sont jamais allés. Qu'importe, ils ont les cartes. Une carte, c'est comme une vie qui tiendrait dans la poche, le monde plié en quatre entre un couteau et un briquet, un éclat de vent en mouchoir.
Tradition verbatile que le vent nous amène à chaque nouvelle marée, chaque arrivage au port d'un qui vient de plus loin, de plus froid, de plus sud, une pleine cale d'illusion à vendre ou échanger contre un peu d'alcool fort. Et chacun se tasse un peu plus, s'adoucit comme le tabac d'une pipe, rallume sa mémoire et laisse flotter une nouvelle histoire dans l'air chaud et familier de la carré centrale.
Et ainsi, chacun se transmet, de conteur écouteur à rêveur raconteur, disant tous la même chose : qu'il faut croire aux légendes pour comprendre le monde.
Sur l'eau, les mots portent plus loin.