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La Bruyère subordonne strictement l'usage d'une forme d'expression (d'un " tour ") qui lui vaut son statut d'écrivain à la visée proprement morale (le " dessein ") qui le requiert et qui seule, à ses yeux, le justifie. Mais comment se noue le rapport entre ce tour et ce dessein ? Que nous dit le premier de la nature du second ? Sous des formulations diverses, la question sous-tend l'histoire de la réception critique des Caractères, des âpres polémiques qui en ont accompagné ou suivi les premiers succès jusqu'aux nombreux travaux qui, au cours des dernières décennies, en ont renouvelé profondément l'étude.
Aussi fournit-elle le fil directeur des analyses développées dans cet ouvrage, et notamment dans sa première partie, conçue comme une introduction à la lecture de La Bruyère. Sans méconnaître l'irréductible et redoutable complexité d'une oeuvre située au carrefour de multiples traditions philosophiques et rhétoriques et de multiples influences, sans renoncer à rendre compte des tensions (apparentes ou sous-jacentes) qui la travaillent, des inflexions qui en affectent la genèse au gré de ses accroissements successifs (1688-1696), ni de la singularité d'une écriture qui ne doit pas moins au modèle forain de la parade qu'au modèle mondain de l'entretien, on se propose de mettre en évidence la cohérence d'un projet, tout ensemble littéraire et moral, tel qu'il se donne à lire en particulier (mais non exclusivement) dans les différents péritextes, dans les affleurements d'un abondant métadiscours où la réflexion morale se fait réflexion sur elle-même, et dans les inscriptions protéiformes de la figure du moraliste.
Cette étude d'ensemble est complétée par une série de micro-lectures qui lui font directement écho (et s'articulent, partant, à des enjeux globaux) et par une brève enquête sur le vocabulaire esthétique et moral de La Bruyère.