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Si l'on se déplace souvent à pied au cinéma, l'acte cardinal et primordial de la marche est volontiers éclipsé. Jugée anti-spectaculaire, lieu par excellence de l'ellipse cinématographique, la marche est, majoritairement au cinéma, un geste banal dont il faut limiter l'amplitude temporelle, au prétexte de son indigence narrative. Toutefois, certaines marches cinématographiques contemporaines construisent des arpentages qui se révèlent politiques, critiques, utopiques ou encore privés d'utopies.
Marcher dans le monde du dehors, c'est être pris dans un quadrillage de lignes politiques où le quotidien agit sur nos existences motrices, tantôt les limite, les oriente, les restreint, tantôt nous fait dériver, transgresser, résister. Des lignes quotidiennes de survie (L'Homme sans nom de Wang Bing) aux lignes embourbées de Karrer dans la Hongrie post-communiste, (Damnation de Béla Tarr), des lignes de fuite en zigzags du bandit Carol lzba sur le Causse du Larzac (Du soleil pour les gueux d'Alain Guiraudie) aux lignes ralenties à l'extrême du Walker de Tsai Ming-Liang dans Hong Kong, un pan de cinéma contemporain a fait sienne cette modalité d'ancrage par le mouvement.
La marche géo-quotidienne assume haut et fort une réflexivité qui, plutôt que de se couper de l'espace social, l'inclut dans son allant. Elle est moins une sortie du monde qu'une entrée dans le monde. L'être en marche dit sans ambages "le métier de vivre".