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Brocardé en "Pape de Montauban" (Boris Vian), discrédité comme "doctrinaire" (André Hodeir), révéré comme "l'ange gardien" du jazz (Metz Mezzrow), Hugues Panassié n'a pas mobilisé le lexique religieux par hasard. Fervent lecteur dans ses jeunes années de Charles Maurras et de Jacques Maritain, activiste traditionaliste contre l'hérésie moderne de Vatican II en son âge mûr, Panassié fut un de ces "catholiques exacts" de la trempe d'un Léon Bloy — son écrivain préféré —, traversant sûr de sa vérité controverses, anathèmes et disgrâces.
Comment l'amour fou de cet "intoxiqué du jazz" pour une musique dont les hérauts étaient noirs et états-uniens s'est-il ajusté à l'environnement idéologique embrouillé des années 1930 qui l'ont vu naître et aux reconfigurations intellectuelles et politiques qui les ont suivies ? Au prix de quelles contorsions inattendues, transferts improbables et batailles acharnées, Panassié a-t-il pu, fort d'un rapport au monde à la fois traditionaliste et non-conformiste, réactionnaire et visionnaire, vindicatif et communicatif, établir de façon si éclatante et si contagieuse un mythe du "vrai jazz" qui a puissamment façonné l'imaginaire de plusieurs générations de jazzophiles ? C'est ce à quoi s'attache cette exégèse, instruite par une somme de documents d'archives inexplorés (correspondances, journal, articles oubliés), et précédée des lettres d'Hugues Panassié à André Hodeir — ces deux figures antagonistes de la critique qui ont longtemps structuré l'historiographie du jazz en France.