Témoins du bouillonnement des idées qui précéda la tourmente révolutionnaire, les hommes de caractère furent désireux de se manifester. Né en 1760, Michel Regnaud ne se montra pas le moins déterminé d'entre eux. Il voulut trouver sa place dans les rouages politiques, imprimer sa marque et même, parfois, forcer le destin.
Doté d'un optimisme prenant sa source dans sa foi en l'homme, pourvu d'une rare énergie et d'un don oratoire indiscutable, il sut, dès la réunion des Etats généraux, faire valoir, en sa qualité de député de Saint-Jean-d'Angély, les idées de ses commettants et ses convictions personnelles.
Mais c'est surtout après avoir rencontré Bonaparte, général en chef de l'armée d'Italie, en 1796, qu'il put donner toute sa mesure. D'abord intendant général des hôpitaux de cette armée pleine de bravoure, puis nommé par le Directoire gouverneur civil de l'île de Malte brillamment conquise, il ne ménagea jamais sa peine. Par la suite, alors que les Directeurs se discréditaient de plus en plus aux yeux des Français et des cours étrangères, Regnaud n'hésita pas à faciliter l'accession au pouvoir de Bonaparte. Il avait jugé que l'homme était exceptionnel et seul capable de mettre fin aux troubles graves qui affaiblissaient la nation de jour en jour. Quelques semaines après Brumaire, le Premier Consul, dès qu'il eut créé le Conseil d'État, désigna Regnaud pour être l'un de ses membres. En 1802, il lui confia la présidence de la section de l'Intérieur de ce même Conseil. Cette présidence, Regnaud devait la conserver jusqu'à la chute de l'Empire, travaillant sans cesse et avec acharnement, soit en traduisant en lois, décrets, règlements, avis, les volontés du Premier Consul puis de l'Empereur, soit en expliquant devant les Assemblées, en qualité d'orateur du gouvernement, l'élaboration de tel ou tel projet, la nécessité de telle ou telle décision. Dans le même temps, il exerça auprès de Napoléon le rôle privilégié et plus discret de conseiller privé. Toujours fidèle à Napoléon, après la seconde abdication comme après la première, Michel Regnaud gagna les Etats-Unis où des rêves en faveur de l'évasion de l'illustre prisonnier pouvaient encore être conçus. Deux ans plus tard, gravement malade, il débarqua en Europe. Après une lamentable errance, à travers divers pays étrangers, enfin autorisé à revenir en France pour y recevoir les soins que nécessitait son état, il arriva à Paris le 19 mars 1819, à huit heures du soir, et mourut dans la nuit.