" " Ce que vous me dites me console d'un métier que j'accomplis sans joie, dans une presse plus que jamais vile et bassement pensante. Du moins si je n'écris pas tout ce que je pense, je pense tout ce que j'écris. " C'est en ces termes que Desnos évoque, en janvier 1940, sa situation de journaliste à Aujourd'hui ; " en un temps où écrire exclut toute inutile témérité, où le courage suppose la prudence, où l'expression réclame une particulière circonspection. " On peut s'étonner que le poète connu pour sa liberté de pensée et de parole dans le mouvement surréaliste, le journaliste, l'homme de radio si nettement situé dès le début des années trente contre le nazisme et l'antisémitisme, écrive, à partir de quarante, dans un journal notoirement acquis à la collaboration. C'est que Desnos ne trouve pas de profession de rechange ; plus tard, devenu membre du réseau Agir, sa position à Aujourd'hui lui assure (croit-il) une protection, et certaines possibilités d'information. Jusqu'à son arrestation, le 22 février 1944, Desnos écrit de littérature, de questions sociales, de faits divers, de disques, en maintenant au sein d'un journal asservi un espace de parole non pas libre, mais porteuse, à mots couverts, d'incitations au courage et à l'action pour préparer " la belle saison ". A bon entendeur salut ! " Marie-Claire Dumas.