Qui se souvient aujourd'hui de l'homme que fut Montesquieu ? Qui se souvient encore de l'esprit léger, presque roué, qui jouissait à Paris des libertés de la Régence, du mondain assidu des salons ? Qui se souvient du voyageur sillonnant l'Europe et ses cours princières ? A bien des égards, Montesquieu paraît engoncé dans la pourpre du magistrat, figé dans la pompe romaine, immortalisé sur des billets de banque ou dans les dictionnaires. Je me suis dit qu'il y avait mieux à faire qu'à statufier Montesquieu. Une fois quitté Matignon, je me suis lancé le défi de le relire. J'ai trouvé un homme curieux de tout, vif, drôle souvent ; un écrivain cultivant tous les genres ; un sage par-dessus tout, dur aux méchants et aux sots, amoureux de la liberté, de sa liberté et plus encore de celle d'autrui. J'ai surtout pensé que la réflexion de l'auteur de L'Esprit des lois sur la liberté et sur le pouvoir n'avait rien perdu de son actualité et que les citoyens du XXIe siècle pourraient même y puiser de précieux enseignements. Alain Juppé