Eté 1953. Reclus dans la villa de Vence qu'il partage avec sa gouvernante Kate de Porada, miné par la tuberculose et sans doute, déjà, par quelque autre mal sournois qui finira par l'emporter quatre ans plus tard, Albert Paraz déploie pourtant une activité prodigieuse. Non seulement il donne à Rivarol une chronique de radio hebdomadaire, mais entretient des relations épistolaires suivies avec une foule de correspondants. Epoque des plus fécondes où cohabitent deux sources d'inspiration, l'Afrique noire et le polar. Côté Afrique, L'Adorable métisse vient juste de sortir des presses et il prépare déjà Sainte-Marie de la Forêt. L'année précédente, il a publié son premier roman " noir ", Une Fille du tonnerre. Son éditeur, André Martel, le presse de lui donner une suite. Ce sera Pétrouchka, entamé dans l'urgence fin juillet, bouclé en novembre, achevé d'imprimer le 15 décembre 1953. Moins de six mois pour un roman dont il attend, comme toujours, monts et merveilles. Pour se couler dans le moule Série Noire, Paraz, que la langue verte a toujours fasciné, a besoin d'un maître argotier fiable. Justement, parmi ses correspondants, un petit truand, tubard comme lui, pour l'heure en postcure au sana de Saint-Martin du Tertre après avoir goûté de la prison. L'oiseau rare. Doté de surcroît d'un beau brin de plume. Le petit truand s'appelle Michel Boudon et deviendra, plus tard, Alphonse Boudard. Ignorant avec la même superbe indifférence les règles de la littérature policière et celles de la vraisemblance, Paraz invente un genre nouveau, qu'exploitera plus tard Frédéric Dard dans la série des San Antonio. Roman sans queue (si on ose dire!) ni tête, désinvolte et libertaire, Pétrouchka mélange fiction et réalité, érotisme et humour, actualité et érudition, personnages romanesques et réels.