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Quarante et un galets (Francis Ponge & Jan Peter Tripp ... et Paul Nizon, Armande Ponge) Entre autres choses : "Le Galet" de Francis Ponge est en soi toute une histoire. Ecrit entre 1927 et 1928, sa toute première période descriptive, ce texte de jeunesse est remarqué par Jean Paulhan et, finalement, clôturera cet ouvrage angulaire qu'est "Le Parti pris des choses" publié par la NRF en 1942. "Le Galet" s'insère comme le trente-deuxième élément de ce recueil où Francis Ponge effectue un va-et-vient constant entre les mots et les choses.
Cet écrit est aussi l'un des moins faciles à aborder. C'est probablement le plus long de l'ouvrage, et surtout le plus morcelé. Neuf fragments où l'auteur, après de nombreuses circonvolutions autour de l'espace, du temps, de l'énigme du monde, n'aborde qu'à la fin, de façon concrète, la description physique du galet, lequel devient littérairement et littéralement palpable. Ce n'est peut-être pas un hasard si des artistes comme Man Ray, en 1939, ou Ferdinand Springer, dans les années 50, se sont penchés sur ce texte intriguant, s'en sont inspirés pour leur propre travail, envisageant même de réaliser une édition de bibliophilie, sans que cela puisse se concrétiser.
Il faut dire que les rapports qu'entretenait Francis Ponge avec la peinture étaient complexes. Et quand bien même il s'intéressait de près à ses avant-gardes et avait noué des liens d'amitié avec des artistes comme Picasso, Braque ou Dubuffet, l'écrivain maintenait une distance irréductible entre poésie et peinture : "mes textes n'ont absolument pas besoin d'illustrations" confiera-il dans ses entretiens avec Philippe Sollers.
Voilà ce qu'a anticipé Jan Peter Tripp, qui, par le biais de ses tableaux, a su instaurer un dialogue, un écho, une résonance avec les mots de Francis Ponge. Ses galets "ont sur le papier, une présence si véritable qu'involontairement on tend la main pour toucher" écrivait W. G. Sebald en rendant compte de ses travaux. "Les objets en savent davantage sur nous que nous en savons sur eux... Ce sont les choses qui ont le regard rivé sur nous" note-t-il encore à propos de Jan Peter Tripp dont le premier catalogue raisonné (1984) s'intitule comme par hasard "L'envers des choses".
Voici donc deux oeuvres parallèles, effectuées à des années d'intervalle et qui s'associent aujourd'hui. Une belle rencontre, comme souvent les rencontres impromptues le sont, faites d'évidence, de connivence et de confiance. Comme quoi, il faut donner du temps au temps, et laisser le temps faire les choses.