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A l'orée des années 1970, Lacan formalisa ce qu'il nommait "discours capitaliste" , élargissant ainsi considérablement sa théorie du lien social. On peut en déduire que nous sommes passés d'une modalité de la vie collective organisée autour du manque et de la culpabilité à l'égard du père, propice à l'apparition des névroses, à un mode du vivre-ensemble fonctionnant non plus au manque, à la perte, mais à l'excès, favorisant l'émergence de nouvelles économies psychiques.
C'est ce nouveau fonctionnement que Lacan chercha à saisir avec son discours capitaliste : une modalité de la vie collective qui ne serait plus fondée sur le renoncement pulsionnel, comme le promeut la tradition psychanalytique, mais au contraire sur l'antique idée de "pléonexie" , récemment ravivée par Mauss et Dany-Robert Dufour. Y a-t-il un lien entre cette pléonexie et l'attrait contemporain pour les doctrines radicales, les populismes politiques, les fondamentalismes religieux, ou encore l'efflorescence de représentations et de pratiques magico-religieuses ? "Regardez-les jouir" , le titre de ce recueil, fait référence aux mots lancés par Lacan aux étudiants révolutionnaires venus perturber l'une de ses interventions à Vincennes, en 1969.
D'autres formes de protestations sont apparues depuis, prenant bien souvent la forme d'une contestation des institutions. Mais la fin des institutions, et notamment de l'institution religieuse, ouvre-t-elle à des voies nouvelles d'émancipation collective ? Une fois débarrassés de l'institution, ne s'expose-t-on pas au risque d'une dérégulation de la jouissance, notamment la jouissance consumériste dont se nourrit le Marché ?