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Je suis née d'un vide, d'une absence, d'un manque. On sort d'un ventre, j'ai niché dans un trou, un creux, une faille. Sa parole m'a enfantée. Sa peine m'a enfantée. La largesse de son coeur m'a enfantée. Dans ce village, il faut de la chance pour récolter les enfants bien portants qui sauront faire croître le riz et prospérer les buffles, prolonger la lignée et contenter les Ancêtres, nourrir et soigner des parents vieillissants.
Alors, quand Natacha, anthropologue, arrive d'un autre monde, elle est vite installée aux places vacantes. Les villageois la renomment Tassa. Elle devient une fille pour Loun et Pan. Avec Tyua, le frère aîné de Loun, le lien vacille pour se nouer dans l'impossible deuil d'un petit-fils, Khamhoung, que Tassa a connu. La présence régulière de cette étrange familière rappelle cruellement à Tyua l'absence de l'enfant.
Un retour plus tard, Tyua livre à Tassa un récit de sa vie hantée par cette perte. Natacha, saisie, l'enregistre, puis l'oublie. Long-temps après un ultime séjour au village, elle redécouvre ces conversations. Stupéfaite par la beauté de la langue, elle les transcrit puis les traduit. Entre divination, présages et rêves, affects ambigus, morts inassimilables, impossibles renoncements et réparations par-tielles, l'universel apparaît dans la singularité de ses formes.
Restera à coudre ensemble Natacha et Tassa. Poser une fragile passerelle entre détresse, ressentiment et affection, lieu du labeur et berceau d'une parenté alternative. Tyua, elle et les autres.