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Ce livre dynamite un paradoxe : sans cesse désignés comme des lieux "vides" de politique, les quartiers populaires des grandes villes sont pourtant un point de centralité du débat public en France. Des émeutes urbaines à l'organisation spontanée de la solidarité pendant la crise sanitaire, de l'affirmation culturelle de la banlieue à travers le rap au succès des mobilisations récentes contre le racisme et les violences policières, l'univers des quartiers fait état d'une présence politique indiscutable.
La réalité de ces engagements est mal connue et surtout, mésestimée. Quel cadre théorique poser sur les éléments d'une culture ancrée dans le vécu des quartiers populaires français et revendiquant une action sur le cours des choses ? "Je ne fais pas de la politique, je fais des choses que les gens peuvent regarder de leur fenêtre". Le projet d'une streetologie réside dans l'analyse de cette translation : celle de modes de vie, d'engagements, de représentations, de structures de pouvoirs, déployés dans la vie ordinaire des quartiers, se frayant un chemin vers le "sacré" de la politique.
Le lien entre la street et la politique n'a rien d'évident, et pourtant ces deux univers a priori distincts l'un de l'autre entretiennent un dialogue que ce livre veut expliciter. Les sciences humaines peuvent analyser une telle rencontre si elles questionnent la définition négative de ce qu'il se passe dans la rue, loin des cadres établis de l'engagement. Une esthétique "autre" de la politique se constitue, et il s'agit d'en dessiner les contours et les filiations.
Militant et élu pendant de nombreuses années en banlieue parisienne, Ulysse Rabaté a transformé en objet de recherche les lieux de son investissement politique et personnel. Il revient sur le rapport entre les quartiers populaires et la gauche en renversant le refrain éploré d'une disparition de la politique. A partir de pratiques et discours observés sur le terrain, et de leur relation avec les théories critiques, ce livre interroge la possibilité d'une culture politique issue des quartiers populaires, et les effets d'une telle hypothèse sur l'ordre des savoirs.