B..., la soixantaine, est un homme secret à la parole rare. Son beau-frère, un débile, dort dans un réduit sur un matelas de feuilles de maïs. La fille de B..., Marthe, tient un commerce de fruits et légumes.
Tout est tranquille. En rentrant chez lui, B... aperçoit son beau-frère qui gesticule. " Morte, elle est morte ", gémit-il inerte, la femme de B... gît sur le parquet de la chambre. Alors commence, simple et comme au ralenti, le cérémonial de la séparation.
Les objets de tous les jours prennent une lourdeur surprenante. Une bobine de fil noir a roulé sous le buffet. Les bas de la morte pendent sur le dossier d'une chaise. Le cadavre lui-même devient étrangement lointain. Marthe s'en occupe, elle range et fouille dans les tiroirs.
Une paire de bottes blanchies de terre séchée, une pendulette achetée sur catalogue, une goutte d'eau qui tinte dans l'évier, l'alliance usée, ces choses se mêlent à des souvenirs, des odeurs, des instants de presque bonheur. B... pleure enfin, le visage contre le cœur de sa chienne.
Ce chant funèbre, si particulier, si universel, est poignant. Tout est là, en quelques mots : un monde paysan qui s'efface, des sentiments qui finissent par sourdre, une angoisse digne des " vanités ", ces tableaux où des objets, un crâne, une Bible ouverte, rappellent aux vivants leur condition de mortel.