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La fragilité des acquis de la discipline économique, brutalement révélée lors de la crise ouverte en 2008, tient à la faiblesse de la profession en matière de méthodologie et son absence de réflexivité épistémologique. Les chercheurs ont tendu à confondre vision, grande théorie, modèle pédagogique ou appliqué. Au sein des macro-économistes, le caractère auto-régulé d'une économie de marché est devenu une hypothèse centrale, or c'est une croyance, invalidée par les développements de l'économie mathématique.
Au sein d'un complexe réseau d'interdépendances, variable dans le temps et l'espace, chaque économiste privilégie un mécanisme particulier, abusivement qualifié de théorie. Ainsi la volonté de rebâtir la macroéconomie keynésienne à partir de ses fondements microéconomiques a livré d'élégants modèles dénués de pertinence empirique, tant leurs hypothèses sont orthogonales par rapport aux caractéristiques des économies contemporaines.
Elles sont en effet dominées par l'impatience de la finance, l'hétérogénéité des comportements et l'incapacité qu'ont les acteurs à percer une incertitude devenue radicale, source de la répétition de crises endogènes. Aussi, d'éminents Prix Nobel d'économie plaident-ils pour un retour réflexif sur les conséquences de la hiérarchie des revues, des procédures de recrutement et de la délégation à la bibliométrie du pilotage les orientations stratégiques de la profession.
La désarticulation des régularités économiques provoquée par l'irruption du covid-19 fait ressortir les limites de la plupart des paradigmes hérités des années 2000. Ce peut être l'occasion d'une grande bifurcation de la recherche en économie, en particulier de sa réinsertion tant dans les sciences de la nature que dans celles de la société.