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La bohème est l'un des mythes les plus populaires du XIXe siècle : il a inspiré des romans, des poèmes, des opéras et, plus récemment, de nombreux ouvrages érudits. On s'est familiarisé avec ses figures pittoresques, sa géographie parisienne, ses rites initiatiques. Mais on manque souvent l'essentiel : si la bohème constitue une collectivité si identifiable - unie par des liens très puissants de camaraderie -, c'est qu'elle est l'émanation directe de la petite presse littéraire et artistique qui, de l'époque romantique jusqu'à la fin de siècle, est le coeur vivant de la vie culturelle en France.
Il faut donc oublier la légende de la bohème pour se tourner vers la réalité : l'organisation concrète de cet univers médiatique, le tissu étroit des solidarités professionnelles et amicales. Surtout, cette complicité collaborative de la presse influe directement sur les formes de l'écriture (désormais saturée par l'ironie et la parodie) et, contrebalançant la solitude sacrée de l'auteur, met en jeu la conception même de la littérature.