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Rien ne prédisposait Varian Fry à l’héroïsme. Il grandit dans cette Amérique des banlieues riches du New Jersey, avant d’intégrer l’université de Harvard. Diplômé en 1931, il pratique à la fois le journalisme et le professorat de lettres classiques. Envoyé à Berlin, il y découvre le nazisme et les persécutions contre les juifs. Son destin est scellé. Mais que faire ? Écrire, militer, protester, manifester, aider des réfugiés austro-allemands fraîchement arrivés à New York, cela parvient un temps à apaiser sa bonne conscience.
En 1940, il prend part à la fondation d’un comité de secours, The Emergency Rescue Committee, dans le but spécifique de faire sortir artistes, savants, philosophes et écrivains piégés dans la zone libre. Très vite, le comité veut envoyer un homme de confiance connaissant bien l’Europe et parlant couramment le français à Marseille. Fry se porte candidat. Sitôt arrivé, il noue des contacts avec tous ceux qui courent de grands dangers.
Il y a Victor Serge, romancier, essayiste, trotskiste. Il y a André Breton. Il y a les peintres Oscar Dominguez, Wifredo Lam, Max Ernst, Hans Bellmer, Marcel Duchamp, Victor Brauner, Jacques Herold, Jacques Lipchitz, André Masson. Il y a les écrivains Heinrich et Golo Mann, Franz Werfel et Lion Feuchtwanger, Benjamin Péret. Il y a les philosophes Hannah Arendt, Claude Lévi-Strauss et la très politique Anna Seghers.
Il y a Otto Meyerhof, prix Nobel de médecine. Il y a Wanda Landowska, la claveciniste. Il y a même ceux qui ne veulent pas partir dont Marc Chagall. Fry se déplace pour le convaincre, mais en vain. Chagall se voit avant tout artiste, la police le voit avant tout juif et l’arrête. Fry le fait sortir de prison et l’expédie illico en Amérique avec femme et enfant. Pour héberger et occuper tout ce monde, il loue une villa en marge de la ville et c’est toute cette trop brève aventure que relate l’ouvrage.
Expulsé en septembre 1941, il aura sauvé plus de deux mille personnes. Villa Air-Bel est démolie dans les années 1980. Alain Guyot, enseignant à l’École nationale supérieure d’architecture de Marseille, ses étudiants, avec les élèves de deux lycées, et une écrivaine, Diana Pollin, ont entrepris de faire revivre la villa à travers le récit, historique et biographique, et une reconstitution numérique des lieux.