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Dès sa fondation, le Collège de Sociologie est pensé à la fois comme expérience et comme instrument de l'expérimentation. Ceux qui y prennent part sont autant les expérimentateurs que les sujets de l'observation. Cette aventure qui débute en 1937 marque la constitution d'un collectif qui se pensait sans doute comme une avant-garde d'avant-guerre. En effet, les activités collectives de ceux qu'on a parfois nommés les apprentis sorciers" prennent fin durant l'été 1939 ; ce qui en fait le dernier des groupes d'avant-garde d'avant-guerre.
Dans le sillage de Mauss et en référence à Durkheim, le Collège prend le parti de se dire sociologique. Ses membres souhaitent ainsi pratiquer une sociologie sacrée qui se donne comme objet de traquer les manifestations où se fait jour la présence active du sacré. Le sacré durkheimien et, dans une moindre mesure, maussien, est passablement différent que celui développé par le Collège. Ceci n'enlève rien à la légitimité des questionnements sur la mobilisation de cette notion de sacré par les deux institutions.
Ces rapprochements, ces liens de cause à effet opérés entre les travaux de l'école française de sociologie et ceux du Collège doivent se faire avec une nécessaire conceptualisation historique combinée à une logique comparative afin d'éviter les liens de filiation trop rapide. La transformation qu'opèrent Bataille et Caillois sur le sacré durkheimien est à restituer dans le contexte politique dans lequel le Collège évolue.
En cherchant à manipuler ce sacré à des fins de subversion sociale, ils laissent présager une distinction entre un sacré droit et un sacré gauche, ouvrant de fait diverses ambiguïtés politiques. Ces ambiguïtés sont présentées dans ce numéro à travers les dialogues qui ont pu se nouer comme à travers ceux qui ont avorté. Cc fut par exemple le cas avec les membres de l'auditoire comme Pierre Drieu La Rochelle ou Walter Benjamin.
Cette rencontre et ce dialogue qui s'annonçaient des plus fructueux furent avortés par la guerre bloquant tout prolongement des liens entre les membres du collège et l'école de Francfort. La guerre mer fin aux travaux du Collège, mais dans quelles conditions auraient-ils pu perdurer ? Ce volume traite de la postérité du Collège et de ce qu'il laisse en héritage à ses propres membres. Certains retiennent principalement du Collège de Sociologie son expérience négative.
Mais le positif n'émerge-t-il pas du travail du négatif ? Espérons que ce numéro contribue à ce travail en cherchant à retirer le meilleur de l'expérience du Collège de Sociologie.