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L'Enfer, c'est les autres... Dans son Théâtre des situations, Sartre expliquait le sens de sa déclaration qui, loin de stigmatiser l'autre, insistait sur son importance dans la constitution de soi, sur la nécessité de connaître cet autre pour parfaire sa propre connaissance. Le discours est connu, se décline dans des registres aussi variés que la philosophie, la littérature ou la psychanalyse. Mais la science juridique a sans doute trop délaissé cette quête de l'altérité.
Peut-être parce que le mot droit procure cette sensation de familiarité et de sécurité que donne un objet multi-séculaire, son analyse campe trop souvent à l'intérieur de ses frontières, tant géographiques que disciplinaires. Pourtant le droit est un objet finalement bien étrange et plutôt que de le réduire à un singulier, il faut en mesurer l'hétérogénéité. Dans cette perspective, une des voies à suivre est celle qui part à la recherche d'acteurs oubliés, car volontairement méconnus, à savoir les étrangers comme acteurs de la norme.
L'enquête en forme de cosmopolitisme juridique vise donc à reconnaître et à souligner les influences exogènes dans la constitution de notre système juridique. Considère-t-on le droit autrement si on le regarde du dehors ? Et cet autre regard pourrait-il expliquer la consécration du bas-latin directum pour désigner ce que l'héritage romain aurait dû logiquement nommer à partir du terme classique ius.
Contrairement à ce qui est trop souvent postulé, le droit n'est pas qu'un discours du pouvoir, un produit de l'esprit développé par une soi-disant élite. Le droit vit, se nourrit d'influences variées, pointillés qui par leur multiplicité composent la vaste fresque. Vu de loin, le tableau est singulier. Faut-il s'en tenir à cette impression ou s'approcher plus près, brouiller les repères pour isoler les éléments qui le constituent ? Le Diable est dans les détails et à l'heure où la crispation des identités nationales menace, il est bon de "sentir la saveur du divers", de souligner les altérités de nos droits nationaux, ou bien avec Montaigne de "frotter et limer sa cervelle contre celle d'Autrui".