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Depuis que la France s'est donné au XIXe siècle le statut de puissance impériale, les adjectifs dérivés par préfixation du mot colonie se sont multipliés. Colonial, anticolonial, postcolonial, décolonial disent la vitalité de la réflexion et le poids du contentieux que cette aventure a alimenté. Or, loin d'être liquidé, ce legs revient sans cesse à l'actualité sous forme d'événements de politique étrangère et de débats idéologiques.
Encore doit-on, pour cerner la nature de cet héritage, connaître la façon dont les colonisateurs concevaient ce qu'ils nommaient leur mission et, pour cela, se retourner vers l'époque précoloniale de la conquête. Les historiens ont, certes, analysé les documents officiels, les correspondances administratives ou privées, la foule de témoignages publiés dans la presse de l'époque, etc. Mais un champ d'information reste sous-exploité, celui des fictions romanesques publiées avant 1914.
Cette littérature à public populaire parlait moins à l'intelligence qu'à l'imaginaire ; en prétendant informer, elle produisait des clichés qui se diffusaient plus aisément que les vérités factuelles. C'est pourquoi le présent ouvrage s'intéresse aux lecteurs français qui partaient pour l'Afrique comme soldats, fonctionnaires, agriculteurs, commerçants, etc. Relire les romans qu'ils avaient lus apporte des éléments de réponse à des questions à la fois simples et complexes : que savaient-ils de ce continent en bouclant leurs cantines ? quels mondes inconnus s'attendaient-ils à trouver ? quel type d'humanité croyaient-ils découvrir dans les hommes qui y vivaient ? qu'entendaient-ils leur apporter et recevoir d'eux en retour ? Et, question plus délicate : que subsiste-t-il de leurs croyances dans l'image que nous nous faisons, aujourd'hui, des peuples de ce continent ? Nombre des écrivains sollicités ici sont tombés dans l'oubli.
Mais s'ils ont rédigé leurs romans sans ambition esthétique, sans esprit critique ni autocensure, gageons qu'ils ont beaucoup à nous dire sur les fantômes et les fantasmes qui interfèrent encore dans les relations entre la France et l'Afrique.