MédiaMorphoses N° 16, Avril 2006

Jacques Bouveresse, professeur au Collège de France où il a organisé un colloque et contribué à la réalisation d'émissions sur France Culture autour du satiriste viennois Karl Kraus (1874-1936), a consacré à ce dernier un livre : Schmock ou le journalisme. La grande bataille de Karl Kraus. Karl Kraus fustigeait sans cesse le monde de la presse pour ses concessions aux stéréotypes que la langue impose, aux marchés financiers et aux injustices sociales qu'ils entraînent, aux pouvoirs politiques...
N'y a-t-il pas dans ces dénonciations des évidences incontournables ? Aujourd'hui, dans les sociétés occidentales, dans les pays qui vivent sur les acquis de la culture de la démocratie, doit-on envisager les médias comme cet espace vendu aux intérêts du marché, et les lecteurs et téléspectateurs comme des croyants sans esprit critique ? Notre dossier s'est placé à la pointe de la modernité sur la réflexion à propos des médias aujourd'hui.
En effet, que devient chacun des médias lorsqu'il est confronté aux autres médias ? Ils y perdent un peu d'eux-mêmes par hybridation, complexification, mélange des genres. Ils y perdent aussi un peu de leur identité au point que l'on ne sait plus très bien si l'on va au théâtre, au cinéma ou si l'on regarde la télévision, puisqu'on fait tout cela à la fois. Les transformations profondes auxquelles nous assistons nous interrogent et mettent en question les bases sur lesquelles s'appuyait notre réflexion.
Les distinctions entre les différents médias s'effacent, s'estompent, se diluent, se chevauchent de telle sorte que parler de l'un revient à parler de tous les autres.