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A la fois image et aboutissement de la société des vivants, la nécropole antique puis le cimetière médiéval s'imposent comme lieux de mémoire où s'exprime une vision du monde, un certain ordre des choses et des êtres. De 1980 à 1991 ont été exhumées et analysées quatre aires funéraires autour du village de Lunel-Viel, dans la plaine littorale de la cité antique de Nîmes. On doit à Claude Raynaud d'avoir su conduire ces recherches en parallèle avec l'étude des habitats contemporains, tout en insérant son approche dans une analyse du peuplement régional.
L'un des principaux apports des fouilles de Lunel-Viel est d'autoriser une étude des pratiques funéraires et de l'anthropologie biologique d'une population dans la longue durée, de la fin du IIIe siècle au XVIe siècle. Imposées par l'extension de l'agglomération moderne, ces fouilles préventives ont livré près de 600 sépultures contenant au total environ 800 sujets, ensemble d'une ampleur peu commune en Gaule méditerranéenne.
Premier élément de la série, la nécropole du Verdier est occupée de la fin du IIIe siècle au VIe siècle ; elle permet d'étudier la mutation sociale et culturelle d'une population méditerranéenne à la fin de l'Antiquité. Aux VIe et VIIe siècles lui succède la nécropole des Horts, marquée dans ses pratiques par des influences septentrionales et amorçant la transition médiévale, tandis qu'un groupe de sépultures de "rejet" est établi dans les ruines de l'habitat antique, déplacé sur un site voisin.
La mutation s'affirme au VIe siècle en un quatrième lieu, au quartier Saint-Vincent, où s'élèvera ensuite l'église, traduisant I'ancrage des villageois autour du cimetière paroissial, jusqu'à sa translation au XIXe siècle. La documentation réunie dans le cadre de ce programme d'archéologie funéraire permet d'aborder les phases cruciales de l'histoire sociale et culturelle des populations rurales, traitant en des termes neufs des questions de la communauté rurale antique, de la christianisation, de la genèse du village médiéval, des étapes de sa croissance.
Replacée au sein d'un corpus de données régionales, cette étude éclaire les conditions et la chronologie de la formation des communautés rurales en mesurant leur degré de cohésion, leur permanence ici ou leur désagrégation ailleurs. Sous-tendant ces comportements funéraires, émergent les lignes de force d'une sociabilité oscillant, dans la longue durée du millénaire étudié, entre fractionnement et regroupement.
Voilà au final un ouvrage indispensable à l'historien des sociétés rurales et de la transition culturelle entre Antiquité et Moyen Age, dans un territoire en permanente recomposition à partir de ses soubassements antiques. Il ravira aussi tout esprit curieux de la genèse de nos villages languedociens qui, malgré leurs transformations récentes, continuent à scander le paysage rural de la région.