En cours de chargement...
Grande figure au destin tragique, Unica Zürn s'est suicidée par défenestration le 19 octobre 1970. Cet envol la fait aujourd'hui planer au dessus du monde des mots et de la folie qui l'habita une grande partie de sa vie. Elle laisse derrière elle des œuvres immortelles, dessins et peintures qui n'ont rien à envier à son compagnon Hans Bellmer et des textes beaux et tragiques comme seuls les êtres élus à la fois par la grâce et la disgrâce ont su en livrer. L'homme-Jasmin, c'est HM, un homme qui très tôt prit part de son esprit, une figure malicieuse et inquiétante, qu'elle associe à la fois à Herman Melville et au poète Henri Michaux dont elle fut amoureuse. Ce texte fracture les genres et nous laisse voir un autoportrait de l'artiste en pythie sans dieux, schizophrène hypersensible traversée par des fulgurances poétiques et imaginaires inouïes.
books
Nightfall est le quatrième roman de Goodis.
Imaginez James Vanning, un type réglo comme vous et moi (enfin surtout vous), dessinateur pour la publicité, obsédé par des souvenirs partiels de sa vie: une scène de meurtre, un pistolet dans sa main, une valise pleine de fric, une fuite. Sa mémoire s'est fait la malle mais tout le monde est à ses trousses: des truands et Fraser, un flic pourtant persuadé de son innocence. Ajoutez à cela une belle fille, qui dans la moiteur de ses souvenirs va exciter son palpitant mais dont le rôle et la sincérité vont s'avérer bien durs à
cerner... Tout l'intérêt de ce bouquin réside dans l'écriture de Goodis, qui livre son histoire par touches impressionnistes, par jets de couleurs qui font shlack comme une bonne baffe ou splosh comme une déception à faire pâlir un existentialiste. Ça et le flux des souvenirs, les allers retours dans le temps trouble d'une mémoire traumatisée. La maîtrise je vous dis, la grande classe de David Goodis, le patron devant l'Eternel (absent).
Meckert c'est avant tout une langue. Une langue vivante et riche, un rythme, un choc de lecture. Les coups est un roman coup de poing d'une force et d'une tristesse poignantes. C'est aussi un livre sur l'impossibilité de l'amour et les rapports de classe. Ce livre m'a marqué à jamais et je vous envie de ne pas encore l'avoir lu...
150ème livre publié par les formidables éditions de L'Arbre Vengeur, La Montagne morte de la vie est le genre de livre que vous ne prêteriez même pas à votre meilleur ami par peur de ne jamais le retrouver...
Le narrateur de cette histoire se retrouve, suite à une nuit de beuverie, jeune mousse sur un navire parti chercher de l'or en Amérique du Sud. Rudoyé par l'équipage qui va jusqu'à tenter de le noyer, il est sauvé par le cuisinier Toine qui devient son compagnon de survie. Le vent cesse de souffler, le bateau immobilisé, la nourriture se fait rare au point que l'équipage sombre
dans la folie pure et le cannibalisme. Seuls survivent nos deux héros dans cet univers à l'hostilité grandissante. Parvenant à terre, c'est un "monde à l'envers" qui les attend, où le ciel et l'eau se teintent de rouge, où une végétation inconnue jusque là semble douée d'intelligence. Sur leur chemin, des statues d'hommes et d'animaux montrent des visages en souffrance, mais aucune trace de vie ne se manifeste pour expliquer leur origine. Et cette montagne qui se dresse devant eux...
Un formidable roman d'aventure dont la lecture va longtemps vous hanter.
Quel destin que la vie de Liane de Pougy !Née Anne-Marie Chassaigne dans un milieu modeste et sévère, la future reine de Paris est, dès sa tendre enfance, attirée par les femmes. Les jambes de Mme Vogelsang agenouillée à la messe troublent déjà ses jeunes sens. Dès 16 ans, ses parents la marient à Armand Pourpe, un militaire qui prendra à la fois, et avec violence, son pucelage et ses illusions sur les hommes. Malgré tout, c'est d'un amant à l'autre qu'elle bâtira sa carrière de grande horizontale, après avoir abandonné son mari et son fils. Rapidement intronisée dans le milieu
des grandes courtisanes grâce à sa fine et pâle beauté, elle fait tourner la tête des hommes les plus riches de l'époque. Partout on la reçoit « à draps ouverts ».
Cette biographie richement documentée renseigne sur la complexité du personnage et fournit nombre d'anecdotes sur ses amis de l'époque : Jean Lorrain, l'amant de Proust Reynaldo Hahn, Natalie Clifford Barney, Max Jacob, Cocteau et bien d'autres.
Chalon donne aussi très envie d'aller lire la poignée d'ouvrages écrits par Liane elle-même car, et c'est aussi ce qui la distingua de ses concurrentes, elle avait aussi un réel don pour l'écriture.
Gagnée par le spleen et les remords, la fin de sa vie sera dirigée par un désir d'absolution et de pureté : « Mon père, sauf tuer et voler, j'ai tout fait », confie-t-elle. Elle finit par fuir, son mari, sa vie, ses passions féminines, ses excès, et se réfugie en Dieu comme elle l'a fait dans le libertinage étant plus jeune, de tout son être.
Un vie entière et un destin comme il y en eut peu, à cheval sur deux siècles et deux mondes. Impossible de s'ennuyer au récit d'une telle aventure.
Camille Lemonnier vit ce livre traîné devant les tribunaux en 1900 pour outrages aux bonnes mœurs. Situé à la charnière entre naturalisme et symbolisme, ce texte enflammé est un récit à la première personne d'un homme dont on ignore le nom, qui raconte d'où vient le mal qui le hante. Dès son enfance, confronté assez jeune à un désir irrépressible, il subit les brimades de son éducation religieuse et la peur du pêché. « Je n'étais alors qu'un jeune homme dépravé par l'excès de ses chastetés même ». De plus, il semble paralysé par le sexe féminin, sorte de bouche rouge
d'un enfer qui le terrifie et l'attire tout à la fois. Dans son enfance, il fut subjugué par une jeune fille nommée Alise, tentatrice et esprit de la nature qui la première le prit dans ses filets et l'embrassa. Retrouvée morte, allongée dans l'eau, elle n'est pas sans rappeler le superbe tableau de John Everett Millais, Ophelia. Quelques autres femmes croiseront son chemin sensuel et initiatique qui marqueront à jamais ses fantasmes, ses terreurs, ses délires. Plus les années passent, plus l'obsession le ronge et corrompt ses sens et son esprit. Vient ensuite la rencontre la plus marquante. Face à lui dans un train (qui l'amène rejoindre son père sur son lit de mort / le sexe et la mort sont presque systématiquement associés, imbriqués et indissociables dans ce roman), une femme l'impressionne et échauffe ses sens mais semble ne pas se préoccuper de lui. Il la recroisera plus tard et à maintes reprises, jusqu'à la vraie rencontre. Elle s'appelle Aude. Dès le début elle revêt un aspect trouble et inquiétant, avec son « museau de chien », portant son veuvage et ses airs dominateurs partout où il se trouve. Leur relation perdure des années, sans jamais que l'Amour ne se manifeste, au grand désarroi de notre anti-héros qui vit avec elle « le grand frisson de la mort », une descente aux enfers du stupre et de la dépravation.
Écrit dans une langue incroyablement riche et travaillée, ce texte voue ses lecteurs à une malsaine ivresse et rappelle la beauté des tableaux de Khnopff ou Moreau, des vases de Lalique, portant ce que le décadentisme a de plus troublant et de plus fort.
Non vous ne lisez pas 666 sur la couverture de ce livre mais GOG, le nom de son narrateur. Il partage avec le nombre de la Bête un côté terrifiant et ultime. Gog est un milliardaire. Il a tout vu, voyagé dans tous les pays d'un monde qui pourrait lui appartenir en entier. Malgré les diverses opportunités, il n'a hélas jamais réussi à combler son ennui, son manque d'attrait pour l'humanité en général. « La terre est une boule d'excréments desséchés et d'urine verte. Et point d'occupations convenables et dignes, pour qui se sent les appétits et les fantaisies d'un titan ». Gog, le livre, est une longue suite de textes très courts relatant des expériences et rencontres faites par Gog, le blasé absolu. Einstein, Freud, Edison, Hamsun, Ford, des scientifiques, des savants fous, des illuminés, tous le rencontrent et lui livrent leurs idées les plus profondes, mais rien ne vient à bout de son ennui et de son pessimisme. Alors Gog prend les devants! Désespéré par l'humain, il va redonner sa place à la nature : il rachète rue par rue un quartier de New York et reconstruit à sa place une forêt vierge luxuriante ! Il crée aussi des collections, par exemple : les géants. Il fait chercher à travers le monde les plus grands spécimens humains et les réunit dans une prairie de Louisiane, où ils finissent par devenir fous car ils ne sont plus admirés par personne, évoluant uniquement entre géants... Puis il collectionnera les sosies, puis des cœurs de cochons maintenus en vie par des scientifiques fous... Autant d'incongruités et de folies qui ne feront pas pour autant de lui l'homme épanoui qu'il pourrait être... Ce texte fou parut en 1932. Il est grand temps de le relire aujourd'hui, détaché de la réputation sulfureuse de son auteur qui prit parti pour Mussolini, et qui aurait mieux fait de nous donner beaucoup d'autres textes aussi jouissifs !
Paru deux fois clandestinement et sous pseudonyme avant de revoir le jour chez Gallimard, ce texte sulfureux de Mandiargues est aujourd'hui aussi facilement trouvable en librairie que les oeuvres du divin marquis auxquelles il ne manquera pas de faire penser. L'histoire se déroule dans le château de Gamehuche, sur une île accessible en fonction des marées. Montcul, le propriétaire des lieux, y invite le narrateur pour un séjour très singulier, parmi des invité(e)s triés sur le volet et kidnappés parmi les plus beaux spécimens. Je vous réserve la surprise de découvrir les subtiles tortures et la perversité ingénieuse des divers "jeux" auxquels vont s'adonner les protagonistes car tout l'intérêt du livre est là... Amateurs de livres érotiques gentillets, allez donc tourner d'autres pages. Sachez que L'Anglais a inspiré Salò ou les 120 Journées de Sodome de Pasolini . La messe est dite...
Depuis quinze ans au moins, ce texte attendait sur mes différentes étagères. trois déménagements plus tard je me suis enfin décidé à ouvrir ce livre culte. Les saisons raconte l'histoire de Siméon, qui par un sentier, arrive un jour dans un village plus qu'étrange. Composé de gens bourrus aux manières animales, l'endroit n'a rien d'accueillant. Lui veut trouver un lieu calme pour écrire, raconter l'enfer qu'il a vécu, la mort de sa sœur. Mais un autre enfer l'attend, ici, parmi ces gens tous aussi tordus et malsains les uns que les autres. Il devra manger des lentilles avec eux car c'est la seule nourriture, supporter leur mépris et le climat, cette pluie incessante, puis le froid glacial, deux saisons qui durent "trente à quarante mois"... Malgré tout, il reste longtemps, tombe amoureux, mais est ce que l'amour a un sens dans ce monde de boue, de violence et de misère crasse... Ce texte est une monstruosité littéraire, sachez le, n'y entrez pas si les expériences des limites vous font peur. Si au contraire vous aimez les sensations fortes, je doute que vous soyez déçus.
un grand méconnu du XXème siècle : Georges Hyvernaud
Depuis sa petite chambre sale, le narrateur du Wagon à vaches raconte sa modeste vie d'employé aux écritures. Nous sommes après guerre. Cette guerre, la seconde, qui a tant changé les gens qu'il a connus. Une fois tout ça terminé, ne reste que la grandiloquence des commémorations, les rôles que chacun s'attribue après coup, comme si souffrir en silence ne suffisait pas. Il faut parler. Se pavaner, juger et rejuger à l'infini turbulent les rôles de chacun, avant tout pour se mettre soi-même sur un piédestal. C'est tout cela que le Wagon raconte. Cette fausseté et ce mensonge dans lesquels patauge l'humanité. Un livre essentiel !
Retrouvez mes coups de cœur sur Instagram : @maldoror.books